L'ultima spiaggia de Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan
Film soutenu

L’ultima Spiaggia

Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan

Distribution : Arizona Distribution

Date de sortie : 23/11/2016

Italie-Grèce-France - 2016 - 1h58

Au Pedocìn, plage populaire de Trieste, hommes et femmes sont séparés par un mur de béton.
Bienheureux dans l’entre soi, chacun amène sa vie avec lui et nourrit ce lieu unique et pittoresque.
Réflexion sur les frontières, les identités et les générations, L’ ultima Spiaggia est une tragi-comédie sur la nature humaine.

Festivals 2016 :
CANNES Sélection Officielle ;
LA ROCHELLE ;
PRIZREN DokuFest ;
VILLACH K3 Film Festival ;
LE HAVRE Ciné-Salé
AUCH Festival Ciné 32 Indépendance(s) et Création
HAÏFA
VILLERUPT Festival du Cinéma Italien
GARDANNE Festival d’Automne
MILAN Visioni dal Mondo

Scénario & réalisation Thanos Anastopoulos, Davide Del Degan • Image Ilias Adamis GSC, Debora Vrizzi • Son Francesco Morosini, Havir Gergolet • Montage Bonita Papastathi • Montage son Matteo Serman • Producteurs associés Bénédicte Thomas, Françoise et Rémi Roy • Producteurs Nicoletta Romeo, Stella Theodorakis, Guillaume de Seille, Thanos Anastopoulos • Production Mansarda Production, Fantasia Audiovisual, Arizona Productions
Avec Rai Cinema, le Centre de la cinématographie grec  • Avec le soutien de la Commission du film Frioul-Vénétie julienne, du Fonds audiovisuel Frioul-Vénétie julienne, ERT – Hellenic Broadcasting corporation, du Centre de la cinématographie grec et du Centre national du cinéma et de l’image animée – aide à la coproduction franco-grecque.

Thanos Anastopoulos et Davide Del Degan

Thanos Anastopoulos Il est né à Athènes et vit entre l’Italie et la Grèce. Son premier long-métrage, ATLAS-TOUT LE POIDS DU MONDE (ATLAS-OLO TO VAROS TOU KOSMOU) est présenté au festival de Rotterdam en 2004. Son second film CORRECTION (DIORTHOSI) est sélectionné à Berlin en 2008 et représente la Grèce aux Oscars. En 2013 il réalise LA FILLE (I KÓRI), sélectionné à Berlin et Toronto.

Davide del Degan Il débute sa carrière en tant qu’assistant réalisateur et réalise son premier court-métrage A CORTO D’AMORE en 2001. Son second court-métrage INTERNO 9 est nommé au David di Donatello (Académie du cinéma italien) et remporte le Globe d’or décerné par la presse étrangère en 2004. En 2011, son court-métrage multiprimé HABIBI reçoit le Nastro d’Argent (Prix de la Fédération Italienne des critiques de films).

Entretien avec les réalisateurs Thanos Anastopoulos & Davide Del Degan

Connaissiez-vous l’un et l’autre cette plage ?
Davide Del Degan :
Moi j’y allais quand j’étais petit. J’avais l’énorme privilège de pouvoir passer d’un côté à l’autre de la plage, car les enfants jusqu’à 12 ans peuvent aller chez les femmes ou chez les hommes. J’ai toujours rêvé de pouvoir raconter ce lieu bizarre et unique, suspendu dans le temps et dans l’espace. 

Thanos Anastopoulos : Moi, non. Mais cette plage m’a rappelé et fait penser à mon enfance. Mon père avait l’habitude de nager même pendant l’hiver avec ses amis. Il n’y avait pas de mur, mais cette idée d’un groupe de personnes qui se rencontrent sur une plage, que ce soit en hiver ou en été, m’a fait me sentir chez moi.

Comment avez-vous travaillé ensemble ?
T.A. : Nous avions tous les deux le désir d’observer l’humanité qui fréquente cette plage et avons défini des règles communes : être là toujours ensemble, éviter les interviews, ne rien provoquer. L’idée était de passer du temps là-bas et attendre que quelque chose se produise devant nous.

D.D.D. : Nous étions complètement d’accord  sur les choix essentiels, nous étions très stimulés par nos points de vue similaires, mais en même temps différents.

Qui sont les habitués de la plage ? 
D.D.D. : Il y a une rencontre entre les différentes générations et cultures, d’origines sociales très diverses. Des prolétaires, des vendeuses qui fréquentent la plage pendant leur pause-déjeuner, des bourgeoises, des ouvriers, des directeurs de banque et même un rabbin, car c’est une plage kasher, où il est possible de se dés- habiller loin du regard des femmes.

Après, quand on est nu, sur une plage, les différences n’existent plus. 
T.A. : Dans le film il n’y a pas de blocs séparés, les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, mais une micro-société. On voit aussi des travailleurs, des employés, car l’établissement est géré par la municipalité. Au même instant où tu penses te trouver parmi des gens libres et nus près de la mer, l’institution agite ses règles, impose sa discipline, ouvre et ferme ses portes.

Comment définiriez-vous votre film ? 
T.A. & D.D.D. : C’est un documentaire multi-narratif, kaléidoscopique, avec beaucoup de personnages et une histoire, ou plutôt un récit sur cette humanité et ce lieu. Atemporel et presque métaphysique, habité par des fantômes.

Qu’avez-vous gardé de ces 120 jours de tournage ?
T.A. & D.D.D. : Beaucoup  de relations d’amitié.


Contexte  géopolitique

Rencontre des réalisateurs avec Falila Gbadamassi,  Géopolis (France Télévisions – Geopolis.francetvinfo.fr) – Cannes, mai 2016
L’ULTIMA  SPIAGGIA (…)  est une immersion dans le quotidien du Pedocìn, plage publique située dans le centre-ville de Trieste, où jusque dans l’eau une fron- tière sépare les hommes et les femmes.
«  Seuls les enfants, jusqu’à l’âge de 12 ans ont le droit de circuler librement de part et d’autre du mur. Après on devient soit une femme, soit un homme », explique Thanos Anastopoulos. Sur la terre ferme, cette  séparation prend la forme d’un mur. « Ce mur date de l’époque de l’empire austro-hongrois. C’est aujourd’hui une tradition », poursuit le cinéaste. (…)

Quand un Italien et un Grec font un film sur la dernière plage…
« En 2013, je pensais que ce mur était certainement le dernier en Europe. La situation était alors complètement différente, poursuit Thanos Anastopoulos. On parlait alors d’une Europe unie, où les frontières étaient ouvertes, où les droits de l’Homme étaient respectés… Le mur de la plage de Pedocìn n’était alors qu’un signe du passé. Et pendant que nous tournions, s’est produit ce à quoi nous assistons : l’arrivée massive de réfugiés syriens en Europe du fait de la guerre ».
« Nous ne voulions pas faire un film qui évoque de façon explicite la question des migrants d’autant que la crise n’avait pas cette ampleur et que notre intérêt pour Pedocìn s’inscrit dans un tout autre cadre. Cependant, nous ne pouvions ignorer l’actualité ». D’autant que les pays d’origine des réalisateurs, la Grèce et l’Italie, sont aux premières loges en matière d’accueil des migrants. L’ULTIMA SPIAGGIA (LA DERNIÈRE PLAGE), au regard des drames humains dont la Méditerranée est le théâtre, est un titre plus qu’évocateur.
« L’ultima spiaggia est une expression italienne qui signifie « la dernière chance », «  la dernière option »,  confie Thanos Anastopoulos.  Elle est inspirée du film américain ON THE BEACH (1959) de Stanley Kramer, réalisé pendant la Guerre froide, avec Gregory Peck et Ava Gardner. C’est l’histoire d’un sous-marin qui se dirige vers l’Australie, seul refuge, après une guerre nucléaire. (…)
« C’est incroyable. Nous pensions que c’était le dernier mur et voilà que d’autres se construisaient autour de celui-là. À un certain moment, c’était très proche, avec les  fermetures des  frontières croate, slovène… La Slovénie se trouve à dix minutes de la plage du Pedocìn qui n’est, elle, pas un passage pour les migrants car ils veulent directement arriver en Autriche ou en Allemagne. Mais les Triestins sont conscients de ce qui se passe autour d’eux, comme ils l’ont été au moment de la guerre en ex-Yougoslavie. Pendant la guerre froide, Trieste se trouvait à la frontière entre le bloc de l’Ouest et celui de l’Est. »

Territoire libre

Une plage unique dans une cité particulière. « Jusqu’à la première guerre mondiale, rappelle Davide Del Degan, Trieste appartenait à l’empire austro-hongrois. La ville revient à l’Italie dans l’entre-deux guerres.
À la fin de la seconde guerre mondiale, l’armée yougoslave est la première à arriver à Trieste. Les Alliés ne savent pas alors à qui l’attribuer d’autant que Tito voulait cette localité qu’il aimait beaucoup. Finalement, pour des raisons géopolitiques, Trieste est donnée à l’Italie en 1954. Donc de 1945 à cette date, Trieste est un territoire libre sous la protection des forces alliées. Les plus âgés, qui fréquentent cette plage, ont vécu leur enfance sous l’influence de la culture américaine ».
À Trieste, c’est un vent de liberté qui semble toujours souffler. « Pour les gensde Trieste, constate Davide Del Degan, la plage du Pedocìn avec son mur n’est pas un lieu de séparation ou de solitude, mais au contraire, il s’agit d’un signe de liberté absolue. »
« Ce mur me fait penser à l’identité, aux frontières, aux discriminations, à la différence entre les sexes », ajoute pour sa part Thanos Anastopoulos. Selon lui, L’ULTIMA SPIAGGIA est une métaphore du vivre-ensemble en dépit de la séparation que cette plage implique. 
Ce documentaire, envoyé au Festival de Cannes, comme une « bouteille à la mer », s’apparente aussi à une réflexion sur une Europe vieillissante. S’ils avouent ne pas l’avoir envisagé de prime abord, les réalisateurs admettent que leur film peut être considéré comme telle car les vrais afficionados de cette plage sont âgés. « La plupart des personnes d’un certain âge qui la fréquentent sont certainement seules chez elles. En venant à Pedocìn, elles trouvent de la compagnie. Les hommes parlent souvent de la mort, tout ou presque est lié à la peur de mourir. De l’autre côté, les femmes veulent vivre. Si on veut parler de façon métaphorique de l’avenir de l’Europe, on lui conseillerait de devenir une femme », conclut, le sourire aux lèvres, Thanos Anastopoulos.