Manuel de libération d'Alexander Kouznetsov
Film recommandé

Manuel de libération

Alexander Kouznetsov

Distribution : Nour Films

Date de sortie : 19/10/2016

Russie - 2016 - 1h20

En  Sibérie,  Yulia  et Katia ont été transférées de l’orphelinat à l’internat neuropsychiatrique et ont été privées de tous leurs droits civiques : pas de liberté, pas de possibilité de fonder une famille ou de gagner un salaire.
Chacune entame un combat pour que l’État leur restitue leurs droits et rende possible leur  émancipation.
Entre espoirs et déceptions, Manuel de libération est le récit de ce chemin vers la liberté.

Plusieurs prix au Festival International de cinéma à Nyon

Réalisateur Auteur Image Alexander KUZNETSOV • Son Alexander KALACHNIKOV • Montage Alexander ABATUROV • Consultant montage Luc FORVEILLE • Assistant monteur Konstantin SELIN • Montage son Jeanne DELPLANCQ • Mixage Nathalie VIDAL • Production exécutive Alexander KALACHNIKOV, Studio de  Kranoyarsk • Production Rebecca HOUZEL

Alexander Kouznetsov

Né en 1957 dans la région de Krasnoïarsk, Alexander Kouznetsov s’investit très tôt dans le club de photographie de la ville. Ses créations photographiques ont fait l’objet de publications dans de nombreux magazines et ont été exposées en Russie, en Norve  ge, en France, aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et en Allemagne.
En 2010, il réalise son premier documentaire, Territoire de l’amour (Территориялюбви), pré senté en France aux États gé né raux du film documentaire de Lussas, au Festival du ciné ma russe a  Honfleur et au Festival Artdocfest de Moscou (Russie).
Poursuivant son exploration du territoire sibérien, il réalise en 2014 Territoire de la liberté (Территория свободы). Au travers de ce deuxième documentaire il nous propose de partager une autre de ses passions : la montagne. De fait, alpiniste confirmé et récompensé, il a participé à trois montées de l’Everest.

NOTE DU RÉALISATEUR ALEXANDER KUZNETSOV

GENÈSE

Un lieu
Station Tinskaya. Kilomètre 3 699  de la  magistrale Transibérienne. C’est là  que se trouve l’internat  neuropsychiatrique dans lequel j’ai tourné  mon  premier  film Territoire de l’amour. Depuis,  j’y reviens sans cesse. J’ai l’impression d’y avoir laissé mes pensées, mes sentiments et mon codeur. Ce  lieu,  que l’on appelle communément « asile d’aliénés » ou « maison de fous » fait partie du système psychiatrique russe, mais comble également les  carences de l’État dans le domaine de l’accueil d’enfants difficiles  élevés en orphelinat. Ainsi  se côtoient de réels malades psychiques et des personnes ordinaires qui semblent s’y trouver par injustice.

Des  images
Durant mes repérages, j’ai parfois confié une petite caméra à mes amies internées.
Elles  se sont filmées les  unes les  autres. La  caméra à  la  main, elles devenaient libres,  au moins pour quelques temps.
Elles  parlaient de leur  vie,  de leurs rêves –  d’avoir  une famille, des enfants,  une maison  à  elles, du  travail.  Ces  images, cette expérience sont aussi l’impulsion de ce film.

Un événement
En août 2011, Sergueï Yefrémov, directeur de l’internat, m’annonce qu’il prépare les  documents pour entamer une procédure judiciaire en faveur de Yulia Danilouchkina.
Depuis quelques temps, Segueï Efremov s’appuie sur  un  nouveau décret pour aider certains de ses internés à recouvrer leurs droits civiques et à tenter de vivre  en  dehors de l’internat. Il est en  effet désormais possible pour eux  d’entamer une procédure judiciaire dans ce but.  Yulia s’apprêtait à passer une expertise médicolégale et à se présenter devant un  juge qui  peut-être lui restituerait ses droits et ainsi  la possibilité d’être libre.  J’ai immédiatement pensé au  titre  : Manuel  de  libération.  Un  film pour montrer comment il est possible de changer son  destin, et d’échapper à  cette prison psychiatrique grâce à la législation russe même.
Dans mon précédent  film  Territoire  de l’amour,  je demandais à Yulia pourquoi elle  se trouvait là, à  l’internat, alors  qu’elle était parfaitement capable de  vivre dehors.  Elle  répondait  résignée, et moi, je m’insurgeais de cette injustice.
Ce que m’annonçait Sergeï Efremov était ce dont j’avais  rêvé : mon film pouvait aider quelqu’un à regagner sa liberté…

Manuel de libération est pour moi un film qui se situe sur le terrain de  l’action, de  la transformation. Mais il contient pour moi une autre dimension : quand je suis  avec mes personnages, je suis  du  côté de l’émotion que je veux faire partager dans mes images. Je filme la machine étatique et face à  elle, la  fragilité et la force de ceux qui tentent de résister.


LES PERSONNAGES

Yulia Daniluchkina Elle a 34 ans. Abandonnée par sa mère, elle a passée son enfance à l’orphelinat et a arrêté l’école après l’équivalent de la 3ème. Elle a appris le métier de cuisinière et a travaillé à l’orphelinat comme nurse. Elle vit aujourd’hui à l’internat et exerce le métier d’aide cuisinier pour la cantine. Elle est discrète, dense, souriante. Elle rêve de fonder une famille. La procédure qu’elle a entamée va peut-être rendre ce rêve accessible.

Ekaterina Kasimova, dit Katia Elle a 24 ans. Après son abandon par sa mère, l’orphelinat l’a recueillie puis classée dans les enfants difficiles. Elle a changé d’orphelinat puis a atterri à Tinskaya à l’âge de 18 ans. Elle participe activement à l’ensemble LES AUTRES qui se produit sur scène à l’internat et dans d’autres lieux de la région.
Elle a étudié le piano durant trois ans à l’école de musique de la région. Elle est aujourd’hui élève et interne, au lycée professionnel dont elle doit sortir en ayant appris le métier de peintre en bâtiment. Grâce au directeur de l’internat elle a pu retrouver sa grand-mère qu’elle voit régulièrement.

Sergei Vladimirovitch Efremov Directeur de l’internat depuis dix ans, il a 59 ans. Auparavant, il était directeur d’école dans un village voisin. Il est grand et sincère. Les personnes qui vivent à l’internat l’appellent papa et l’aiment énormément. Les bureaucrates du ministère des Affaires sociales ne l’apprécient pas beaucoup. Son activité viole toutes leurs instructions.


LES ORPHELINATS EN RUSSIE LEXIQUE

INCAPACITÉ LÉGALE
Terme  juridique, qui  désigne le  fait  qu’une personne  a  perdu  la capacité d’exercer par  elle-même ses droits et ses devoirs civiques en raison de dérangements sévères de son  esprit.
(Guide de la Psychiatrie Médicolégale, Moscou, 1977) La personne déclarée légalement incapable, automatiquement de ce fait, perd la plupart de ses droits : avoir  une famille, choisir  son métier et son  domicile, disposer de ses biens, porter des plaintes à  la  Cour,  participer aux  élections, décider des méthodes de son traitement médical.

INTERNAT NEUROPSYCHIATRIQUE OU PSYCHONEUROLOGIQUE
Institution médicale du  service social pour les  personnes souffrant de dérangement psychique accompagné de la  perte partielle ou complète des capacités à se soigner, dont l’état  de santé psychique et souvent également physique, nécessite une cure et surveillance permanentes.
Les  internats psychoneurologiques sont inclus dans le  système du service psychiatrique général de la Fédération de Russie et, en même temps, sont des institutions de la protection sociale.

ORPHELINAT (Maison d’enfants)
Institution d’éducation pour les enfants qui ont perdu leurs parents ou qui sont privés de leurs soins,  qui ont besoin d’aide et de la protection de la part de l’État.

ORPHELINAT SOCIAL POUR ENFANTS
Institution spéciale du service social destiné à la réhabilitation sociale ou  psychologique des enfants souffrant à des degrés différents de désadaptation sociale.

QUELQUES CHIFFRES
En 1990  en  Russie, on comptait 564 orphelinats (maisons d’enfants), en 2004 ce chiffre  a presque triplé : 1 400.
En 2007 en Russie, le nombre des enfants orphelins était de 748 000. Selon l’information publiée  par  le  Ministère Public de la  Russie en 1999,  seulement 10% des jeunes sortant des orphelinats et internats d’État,  s’adaptent à la vie ordinaire, 40% d’entre eux commettent des crimes, les autres 40% deviennent alcooliques ou toxicomanes, et 10% commettent des suicides.
Annuellement, 26 000 jeunes sortent des orphelinats (maisons d’enfants) de  Russie. D’après  l’information publiée  par   le Ministère de l’Instruction Publique de Russie, pendant  les  15 dernières années, 90 000 de ces jeunes n’ont  pas obtenu le logement qui leur  est du d’après la loi.

TEXTES DE LOI
Code  Civil de la Fédération de Russie

Article 29. Déclaration de l’incapacité légale d’un citoyen
1. Le citoyen qui, en conséquence d’un dérangement psychique, ne  peut pas comprendre la  signification de ses actes  ou  les diriger,  peut être, par  la  Cour,  déclaré légalement incapable, dans l’ordre établi par la règle du droit  judiciaire.
Pour  ce citoyen, on établit la tutelle.
2. Tous  les  actes légaux nécessaires au  nom d’un  tel  citoyen, sont effectués par son  tuteur.
3. Si les  raisons pour lesquelles le  citoyen a été déclaré légalement incapable ont  disparu, la Cour  peut déclarer la capacité légale. En partant du verdict de la Cour, la tutelle doit
être abolie.

Décret de 27.02.2009
Vu  les  violations de masse  des droits des citoyens dans la procédure des affaires de déclaration d’incapacité légale, à l’étape des débats  judiciaires comme à l’étape d’appel et de cassation auprès du ministère public, la Cour Constitutionnelle de la Fédération de Russie a jugé un nombre des articles concernant l’incapacité légale, du  Code Civil de procédure et de la  loi « Sur l’aide psychiatrique et les garanties des droits des citoyens », être non-conformes à la Constitution de la Fédération de Russie.