Le dos au mur

Editos

EDITO – mai 2021

La reprise s’annonce enfin ! Et avec elle, un flot de films, une vague de cinéma inédite, qui cache en son cœur beaucoup de grandes œuvres à défendre pour les salles de notre réseau – 8 films soutenus par le GNCR sont attendus sur les écrans pour les seuls mois de mai et juin.
Il faudra revendiquer la pertinence de nos méthodes pour sauver ces films de la noyade et faire preuve de solidarité avec nos camarades distributeur.trices, ceux et celles qui défendent la diversité. Ceux et celles qui ont tenté de faire aboutir une démarche de régulation. Ceux et celles qui veulent jouer collectif. Il y en a plus d’un.e.
Si on peut regretter que n’ait abouti la belle proposition de calendrier commun établi par les distributeur.trices pour la reprise – et ce sans surprise au vu des réticences du plus gros syndicat et des plus gros acteur.trices du secteur, on doit se réjouir de cette volonté de concertation qui aurait pu préserver les œuvres, mais aussi notre travail d’exploitant.e de salles recherche.
Il est temps maintenant que les salles fassent leur part de ce travail collectif : tenir et continuer de tracer les lignes claires que nous dessinons depuis des années. Car fidéliser un public nécessite un travail de cohérence de programmation, d’engagement dans la durée, d’accompagnement des films.
Se retrouver, comme c’est notre cas aujourd’hui, le dos au mur (de films), c’est devoir affronter ses responsabilités, et assumer ses choix. Pour continuer de défendre la diversité sur nos écrans, il va falloir dire non. Nous allons devoir refuser certaines pratiques, renoncer parfois à certains films qui vont vouloir prendre tous les écrans pour pouvoir en montrer d’autres. Nous allons devoir convaincre des vertus d’un travail bâti sur un mélange de multiprogrammation, d’engagement dans le temps et d’animation.
En parallèle, et alors qu’une nouvelle chronologie des médias est en cours de négociation, nous continuons à revendiquer une régulation indispensable, dont deux mesures qui nous tiennent à cœur. La première est la limitation du nombre de copies par zone de chalandise, afin de laisser à plus de films l’opportunité de trouver de la place sur les écrans. La deuxième est essentielle: faire appliquer de nouveau, et ce dès la réouverture des salles, les mesures limitant la multidiffusion. Sans elles, les multiplexes seront tentés de renforcer la concentration des séances et des entrées sur quelques titres qui pourront occuper une grande proportion de leurs écrans, au détriment d’une diversité dont cette période devrait être le nom. A ce titre et bien qu’ils soient brandis ostensiblement par certains pour revendiquer un soutien à la diversité, il est bon de rappeler que les engagements de programmation homologués par le CNC à la suite de l’accord de mai 2016 ne couvraient que la période 2016-2018. Prétendre que leur interruption était liée à la crise sanitaire est donc une imposture puisqu’ils étaient de fait arrivés à échéance. La nouvelle génération d’engagements de programmation homologués par le CNC pour la période 2019-2021 ne concerne que certaines ententes de programmation «mineures» et quelques cas mais aucun des 7 principaux groupes d’exploitations qui concentrent environ 60% du marché national, englobent ne sont donc à ce jour soumis à aucun engagement de programmation. Ou, la grille de plafonds de multidiffusion annexe à l’accord de mai 2016 ne s’applique juridiquement aux opérateurs que lorsque leurs engagements individuels sont homologués par le CNC. Par conséquent, les principaux opérateurs de l’exploitation ne sont plus soumis à ces plafonds depuis l’échéance de leurs engagements, plafonds qui ne sont actuellement ni appliqués par les opérateurs ni vérifiés par le CNC. CQFD!
De grands défis s’ouvrent devant nous, et avec eux la joie de retrouver le public de nos salles, de reprendre l’organisation de scolaires, de projets pédagogiques et d’action culturelle, de rencontres avec les talents. Nous nous réjouissons de retrouver ce rôle de passeur, de retrouver la place essentielle de la salle dans la vie d’un quartier, dans la vie d’un film, et dans la vie de ses cinéphiles que nous savons être toujours au rendez-vous.
Bonne reprise !

Juliette Grimont et Gautier Labrusse
Coprésident.e.s du Groupement National des Cinémas de Recherche