Film soutenu

MOURIR À IBIZA (UN FILM EN TROIS ÉTÉS)

Anton Balekdjian, Léo Couture, Mattéo Eustachon

Distribution : Shellac

Date de sortie : 07/12/2022

France - 2022 - 1h47 – 1.66:1 - 5.1

À la fin du mois d’août, Léna débarque à Arles pour rejoindre Marius, un ancien amour de vacances retrouvé sur internet. Mais le garçon tarde à arriver et elle rencontre Ali et Maurice, un gladiateur et un boulanger.
À Arles, Étretat puis Ibiza, défiant tous les dangers, leur amitié durera trois étés.

Mention spéciale – Compétition premier Prix Air France du public / Prix européen des lycéens / Prix Marseille Espérance

un film de ANTON BALEKDJIAN, LÉO COUTURE et MATTÉO EUSTACHON

avec LUCILE BALÉZEAUX, CÉSAR SIMONOT, MATHIS SONZOGNI, ALEX CAIRONI, et JAG, ELSA RAPU, TONY RIBAS BONET, JONNIE
production ANTOINE SALOMÉ et JOSÉPHINE MOURLAQUE • Scénario ANTON BALEKDJIAN, MATTÉO EUSTACHON et LÉO COUTURE • Montage JULIETTE ALEXANDRE • Assistante mise en scène MANON AUDIFFREN • Prise de son et mixage LÉO COUTURE • Image MATTÉO EUSTACHON

Anton Balekdjian,
Léo Couture,
Mattéo Eustachon

ANTON BALEKDJIAN
Après une enfance dans le nord-est de Paris marquée par une obsession pour Jackie Chan, Anton Balekdjian entreprend des études littéraires. En 2017, il intègre le département Scénario de la Cinéfabrique. Il écrit et réalise des films, seul ou à plusieurs.

LÉO COUTURE
Né en 1997, Léo passe son enfance entre Paris et Lyon. Il intègre en 2017 la formation Son de la Cinéfabrique. Il partage dès lors son amour pour la musique avec son travail de plateau et en post-production.

MATTÉO EUSTACHON
Mattéo Eustachon est né à Montreuil en 1999. Son goût pour le bricolage et la photographie le mène rapidement à étudier le métier de chef opérateur. Depuis il consacre sa vie à faire des films entre amis et rénove une maison à la campagne.


Avec le soutien de L’ACID

RENCONTRE(S) AVEC LES RÉALISATEURS

ENTRETIEN AVEC LES RÉALISATEURS

Quel était votre projet pour MOURIR À IBIZA, votre premier film, un portrait de quatre jeunes en quête d’amour et de bonheur ?
Le film s’est construit progressivement au cours de trois étés successifs, de 2019 à 2021. Nous étions ensemble à la CinéFabrique, dans les départements Scénario, Son et Image et on ressentait très fort la nécessité d’éprouver nos envies de cinéma sans attendre, en nous jetant directement dans un film. Le premier été à Arles, l’envie centrale c’était d’aller travailler en improvisation, le plus légèrement et collectivement possible avec des proches que nous avions envie de filmer, tout en explorant un territoire. Nous voulions reprendre le motif de CONTE D’ÉTÉ, mais en le détournant avec nos préoccupations et ce qui nous faisait rire. L’idée, c’était qu’une jeune femme venue profiter de ses quelques jours de vacances ne se retrouve confrontée qu’à des garçons complètement incapables de communiquer leurs désirs. C’est une quête de tendresse collective dans laquelle personne n’ose vraiment s’exprimer. Donc ça produit des quiproquos, des malentendus, des surprises. C’est un grand terrain de jeux comique et romanesque et ça correspondait aussi à nos rapports aux autres et à nos angoisses à la sortie de l’adolescence. La peur de ne jamais pouvoir se rencontrer vraiment, d’une solitude indépassable.

« Un film en trois étés », c’est le second titre de votre long-métrage divisé en trois volets. Comment l’avez-vous développé ?
Après la première partie, nous avions très envie de retrouver les personnages l’été suivant. Nous nous sommes donc demandé comment prolonger leurs aventures, comme dans une grande saga. Nous avions envie d’explorer leurs faces cachées, tout en continuant à décliner les motifs de l’amitié, de la solitude et du désir. À Étretat, on a décidé de fissurer l’armure d’Ali en racontant une rupture amicale. À Ibiza, on est parti de la figure tragique de l’amour impossible pour explorer les fantasmes romantiques des un.e.s et des autres. À chaque fois, le scénario se construisait en trois étapes : à partir d’un séquencier non dialogué développé pendant les repérages puis avec les acteur.ices au tournage.

Arles, Étretat, Ibiza : qu’est-ce qui a déterminé le choix de ces lieux ?
Ce sont trois lieux emblématiques dans lesquels nous avons eu directement l’intuition qu’on pourrait raconter nos histoires. À Arles, on sentait qu’on pouvait tourner un film chaud et vivant. Le côté carte postale nous plaisait aussi, l’architecture antique, la Camargue… Nous voulions gratter le vernis pour découvrir la vie de nos personnages. À Étretat au contraire : les falaises, la grisaille, le vent qui siffle, un certain mysticisme même. C’était comme un miroir obscur de la première partie. Et le dernier chapitre devait être le bouquet final, donc difficile de faire mieux qu’Ibiza. Une île où se côtoient des mondes opposés : la richesse dégoulinante, le tourisme de masse, la fête, les locaux, les hippies… C’était tout un imaginaire super riche auquel s’ajoutait le défi d’aller tourner là-bas en pirate.

Vous avez réalisé ce film à trois. Comment avez-vous travaillé ensemble ?
On fait tout ensemble, de l’écriture à la post-production. Sur le tournage, nous sommes à la fois techniciens et réalisateurs. Mattéo à l’image, Léo au son, et Anton à l’écriture des dialogues au pied levé, au script… Quand les comédien.nes ne jouent pas, iels aident aussi.
Pour la mise en scène, on fonctionne comme une bête à trois têtes, en nous efforçant de trouver à chaque fois une énergie commune, de ne jamais tomber dans un consensus mou. C’est assez instinctif : quand on rit de la même blague ou qu’on trépigne tous les trois à l’idée de tourner une séquence, c’est bon signe.
Élaborer une méthode de travail collective a aussi été une question importante avec l’équipe On a essayé de faire en sorte que chacun.e puisse se sentir engagé.e dans le film comme membre d’un groupe et pas seulement à son propre poste. Le tournage était une aventure quotidienne : on ne se séparait jamais, on tournait là où on dormait. Ça n’a pas toujours été évident, mais ça faisait partie de l’expérience : sortir des rapports de pouvoir traditionnels des plateaux de cinéma pour vivre une aventure commune plus libre.

Comment avez-vous composé le casting avec des jeunes comédiens et des acteurs non professionnels ?
Nous avons proposé aux gens autour de nous que nous avions envie de faire jouer ensemble et que nous sentions excité.e.s par l’aventure collective. Lucile sortait de l’école de théâtre, Mathis entrait à la Comédie de Saint-Étienne, César étudiait le montage à l’école avec nous et Alex était le bassiste du groupe de Léo et avait déjà fait des apparitions dans nos courts-métrages. Jag, une amie de Lucile, est arrivée alors qu’on cherchait un nouveau personnage à Étretat. Enfin, à Ibiza, il y a eu Elsa une camarade qu’on rêvait de faire jouer depuis longtemps. C’était très important pour nous que se mélangent comédien.ne.s et amateur.ices pour trouver la bonne fragilité dans leurs rapports, qu’iels se surprennent constamment.
Tous les personnages secondaires sont des rencontres qui ont accepté de jouer. Les rôles se sont souvent créés au dernier moment. Par exemple, on a rencontré Tony, le réparateur de bateau d’Ibiza, en passant devant son atelier une semaine avant de tourner.

Dans ce ménage à quatre, Léna est la plus volontaire quand les hommes sont plus velléitaires. Comment avez-vous défini leurs caractères ?
On voulait parler d’une certaine lâcheté qu’on ressentait en tant que jeunes hommes hétérosexuels, de cette pression absurde qu’on s’inflige et qui nous fait agir bizarrement, ou violemment, d’une peur panique de la tendresse dont on a pourtant désespérément envie… Léna et les autres personnages féminins sont aux prises avec des personnages masculins coincés là-dedans. Nous trouvions aussi intéressant de se demander ce qu’ils pouvaient avoir à se dire entre eux, sur leurs rêves amoureux, leurs peurs… Comment ils se débrouillent avec les rôles virils qu’on leur attribue, leur capacité ou non de faire face. Ça peut provoquer des situations extrêmement gênantes, très drôles et parfois terribles. On se sentait tous les trois animés par ces questions-là et elles se sont matérialisées au fil des étés. C’est devenu une des trajectoires du film : réussir à exprimer ces sentiments sans les déguiser. Grâce au groupe.
On est tous les trois très sensibles à l’idée qu’une des ambitions politiques du cinéma pourrait être de dessiner un monde dans lequel on voudrait vivre. Sans angélisme, mais sans faire subir non plus aux spectateur.ices tout ce qu’iels traversent quotidiennement, en essayant de regarder un horizon désirable.

Le film est tourné pendant l’été avec une lumière particulière. Quels étaient vos choix à l’image ? Les directions étaient-elles différentes selon les lieux ?
Les choix à l’image ont été dictés par la légèreté, la discrétion et par notre tout petit budget. Nous avons tourné avec trois caméras différentes car on trouvait que la modernisation de l’image allait avec le temps qui passe. Nous aimions bien qu’à la fin du film, les premières images évoquent un souvenir lointain.

Le film accorde une importante place à la musique, en particulier le troisième été, marqué par des séquences chantées. Aviez-vous un désir de comédie musicale ?
On voulait que les sentiments puissent enfin s’exprimer haut et fort, donc la chanson s’est imposée. Ça nous permettait de finir en fanfare et d’explorer un genre plus artificiel aussi, de se poser d’autres questions de mise en scène, d’accélérer la narration… Et de se mesurer à un vrai romantisme amoureux, au lyrisme des personnages de manière très pure, à la fois saisissante et maladroite, parfois bizarre. On avait aussi cette envie de se frotter à l’écriture, que nos personnages s’emparent de la parole chantée en adaptant complètement des chansons pop. Ça nous amusait de voir comment le film pourrait détourner ces airs connus pour les intégrer à son propre univers.

Propos recueillis par Olivier Pierre pour le FIDMarseille

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