Y a d’la joie

Editos

EDITO – septembre 2021

Y a d’la joie 
Bonjour bonjour la clientèle
Y a d’la joie
Dans la salle tous ils se côtoient
Y a d’la joie
Et du sommeil comme un rituel
Y a d’la joie
Chez nous y a d’la joie !
C’est la rentrée et même si le public continue un peu à se traîner, tous les jours nos cinés battent et c’est là l’essentiel. Certes, ils ne battent pas des records mais, après un été balbutiant, entre la jauge à 49 personnes à laquelle même la Direction Générale de la Santé semblait avoir du mal à croire et la mise en place du pass sanitaire pour lequel nous avons eu à essuyer les plâtres, il était à craindre que nos spectateurs n’y retrouveraient pas leurs petits. Qu’ils reprennent le chemin de nos salles comme les pèlerins celui de Compostelle doit nous rassurer sur le caractère encore sacré de nos salles de cinéma qui ne se retrouve pas ailleurs. Le mot   « cinéma », qu’ils sont désormais kyrielle à vouloir s’approprier, désigne à la fois le médium et le lieu où il s’actualise : on va dans un cinéma voir du cinéma. Longtemps ce dédoublement passa inaperçu : il n’y avait pas d’autre lieu d’existence pour lui que la salle (alors souvent dotée d’une architecture de temple du spectacle), et d’un nom qui était déjà un clin d’œil mythologique. Et même si, aujourd’hui, supplantée par les petits écrans et les nouveaux modes de diffusion des images, la salle obscure n’est plus, quantitativement, le principal lieu où est consommé ce qu’on appelle toujours des films de cinéma, elle seule en préserve le mystère, aussi bien dans son cérémonial que dans le culte qui peut lui être rendu individuellement et collectivement. Rien à voir avec la prière que l’on peut faire depuis son canapé ou du fond de son lit : ce n’est pas la même célébration ni la même élévation de l’âme. Voilà ce qu’ont retrouvé nos ouailles, fidèles ou novices : le rituel de la salle et la communion qu’elle suscite, une communion à dimension humaine qui permet à chacun d’éprouver la présence d’un « autre » et lui rappelle la possibilité de son existence, aussi différent soit-il. Or, aujourd’hui plus que jamais, Il est indispensable de garder à l’esprit que c’est toujours l’existence d’un autre qui fonde une communauté. Et c’est aussi dans l’autre que l’esprit tressaille de joie.
Et si on revisitait aussi Brassens et sa complainte des films de joie ?
 

Juliette Grimont et Gautier Labrusse
Coprésident.e.s du Groupement National des Cinémas de Recherche