Le 23 novembre 2008, l’Italie se déchire autour du sort d’Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans. La justice italienne vient d’autoriser Beppino Englaro, son père, à interrompre l’alimentation artificielle maintenant sa fille en vie. Dans ce tourbillon politique et médiatique les sensibilités s’enflamment,les croyances et les idéologies s’affrontent. Maria, une militante du Mouvement pour la Vie, manifeste devant la clinique dans laquelle est hospitalisée Eluana, alors qu’à Rome, son père sénateur hésite à voter le projet de loi s’opposant à cette décision de justice. Ailleurs, une célèbre actrice croit inlassablement au réveil de sa fille, plongée elle aussi depuis des années dans un coma irréversible. Enfin, Rossa veut mettre fin à ses jours, mais un jeune médecin plein d’espoir va s’y opposer de toutes ses forces.
Prix Marcello Mastroianni – Meilleur Espoir Masculin – Festival de Venise 2012
Uliano Beffardi TONI SERVILLO • Divina Madre ISABELLE HUPPERT • Maria ALBA ROHRWACHER • Roberto MICHELE RIONDINO • Rossa MAYA SANSA • Pallido PIER GIORGIO BELLOCCHIO • Mari Divina Madre GIAN MARCO TOGNAZZI • Federico BRENNO PLACIDO • Pipino FABRIZIO FALCO • Psychiatre ROBERTO HERLITZKA • Il Persuasore GIGIO MORRA • Mère FEDERICA FRACASSI
Réalisation MARCO BELLOCCHIO • Scénario MARCO BELLOCCHIO, VERONICA RAIMO, STEFANO RULLI • Directeur de Casting STEFANIA DE SANTIS • Directeur de la Photographie DANIELE CIPRI • Montage FRANCESCA CALVELLI • Décors MARCO DENTICI •Costumes SERGIO BALLO • SonGAETANO CARITO • Musique CARLO CRIVELLI • Directeur de ProductionSIMONA BATISTELLI • Délégué de Production ARIANNA DE CHIARA • Coproducteur FABIO CONVERSI • Producteur Exécutif MATTEO DE LAURENTIIS • Producteur DéléguéFRANCESCA LONGARDI • Produit parRICCARDO TOZZI, GIOVANNI STABILINI, MARCO CHIMENZ • Une ProductionCATTLEYA • Avec RAI CINEMA • Une Coproduction France-Italie BABE FILMS • En Association avec SOFICA LA BANQUE POSTALE • Avec IMAGE 5 et MANON 2 • En collaboration avec FRIULI VENEZIA GIULIA FILM COMMISSION
Marco Bellocchio
1965 Les Poings dans les poches
1967 La Chine est proche
1967 Discutiamo, discutiamo (épisode de Evangile 70)
1969 Paola
1969 Viva il primo maggio rosso
1971 Au Nom du père
1972 One Viol en première page
1974 Fous à délier
1976 La Marche triomphale
1977 La Mouette
1980 Vacation in Val Trebbia (docu-fiction)
1980 Le Saut dans le vide
1982 Les Yeux, la bouche
1984 Henry IV, le roi fou
1986 Le Diable au corps
1988 La Sorcière
1990 Autour du désir
1994 Le Rêve du papillon
1996 Il Principe di Homburg
1999 La Nourrice
2002 Le Sourire de ma mère
2004 Buongiorno, notte
2006 Le metteur en scène de mariages
2006 Sorelle
2009 Vincere
2011 Sorelle mai
2013 La belle endormie
NOTE D’INTENTION
Ce film naît de la très grande émotion (et de la stupeur) suscitée par la mort d’Eluana Englaro (et surtout comment sa mort a été vécue par les Italiens, je pense aux internautes, aux hommes politiques, à l’église…), de ma solidarité et de mon admiration pour le père d’Eluana. Cependant, je sentais aussi que cette solidarité partisane risquait de limiter mon imagination, je sentais qu’il était nécessaire d’élargir l’horizon, de voir à plus long terme…
Attendre… J’ai attendu deux ans avant de reprendre mon travail, de l’approfondir. Et c’est ainsi que sont nées d’autres histoires qui, bien qu’indépendantes, ne sont en rien étrangères à celle d’Eluana. Des histoires qui plongent leurs racines dans un temps plus ancien (très antérieur au temps d’Eluana),
le temps de ma vie toute entière, l’enfance, l’adolescence, la famille, l’éducation catholique, les compromis de la politique, les principes moraux, l’importance d’être cohérent avec ses propres idées, le refus de s’avouer vaincu devant une vie en danger, mais encore riche de potentialités et capable de se ressaisir, de renaître (cf. Rossa et Pallido…).
Voilà en quelques mots mon parcours, un parcours dans lequel le style, le choix des images, la structure du drame sont venus après ou d’eux-mêmes… Pendant le tournage, nous avons improvisé assez souvent, tout en respectant les dialogues (raccourcis au montage).
Sans Eluana qui meurt, il n’y aurait pas de Belle Endormie qui se réveille. Dans ce film, il n’y a ni préjugés ni partis pris. Certes, ce n’est pas un film impartial, je crois que l’impartialité n’existe pas dans l’art, mais ce film est sincère et n’est en rien idéologique. J’ai ma propre conviction mais ce film n’en est pas l’illustration. Je reste ouvert à la discussion (j’espère qu’elle aura lieu) et confiant en un public non indifférent.
Marco Bellocchio
ENTRETIEN AVEC LE SCENARISTE TONI SERVILLO
Comment ce projet vous a-t-il été présenté ? Marco Bellocchio vous a-t-il dit tout de suite quel genre de film il voulait faire ?
Bien sûr ! Il m’a expliqué tout de suite, comme il l’a par ailleurs répété souvent lors de débats publics, que ce n’était pas – comme il était facile de l’imaginer pour ceux qui comme moi aiment le cinéma de Marco Bellocchio – un film retraçant l’histoire d’Eluana Englaro, mais un film qui, à partir de cette expérience qui a interpellé profondément la politique et la conscience de l’Italie, était une réflexion sur des thèmes liés à une politique de la profondeur, ou si vous préférez, à une profondeur qui a aussi à voir avec la politique.
Le personnage que vous interprétez est justement un homme politique…
Uliano Beffardi est un personnage lié de manière particulière à cette politique de la profondeur – ou à la profondeur de la politique – parce que c’est un sénateur de la République et qu’il doit affronter dans sa propre famille un drame semblable à celui que vit la famille Englaro. Ce drame va l’amener à faire des choix qui, dans son cas, ne correspondent pas à ceux dictés par son parti. Cet homme va se révéler alors être d’une très grande fragilité – contrairement à l’image que nous avons de nombreux hommes politiques – ce qui va le rendre très intéressant.
Vous avez donc travaillé sur la fragilité ?
Je dirais que c’est l’un des aspects, en accord avec Marco Bellocchio, sur lequel j’ai basé mon travail et qui a représenté quelque chose de nouveau pour moi.
Comment le travail s’est-il déroulé ?
Au début, on m’a remis un traitement scénarisé assez bref dans lequel on comprenait quelle était la voie qui allait être suivie. J’ai reçu ensuite un scénario plus dense, du point de vue de l’approfondissement des personnages et des dialogues. Et enfin, comme j’ai pu le vérifier durant cette expérience très bénéfique pour moi, Marco Bellocchio travaille aussi beaucoup avec la personnalité des différents acteurs et avec les aléas propres au tournage, sans pour autant improviser et en nous poussant à ne jamais être satisfaits de nous-mêmes, ce qui est l’une des caractéristiques les plus passionnantes de son travail.
Que pensez-vous du thème principal du film ?
Tout en évoquant un cas lié à une mort ou à un coma profond, je crois que la force de ce film, son intérêt majeur, réside dans le fait que certains personnages, au cours de l’histoire, ont la possibilité de se réveiller d’un coma émotif, d’un coma sentimental, d’un coma des idées, d’un coma de la personnalité. Je crois que c’est là l’un des sujets les plus extraordinaires jamais traité par Marco Bellocchio. Dans ce film, je crois que ces thèmes émergent avec une grande force, en partant d’un fait divers pour se développer ensuite vers une réflexion plus générale. Ce n’est plus seulement l’impossibilité de revenir à la vie quand on est plongé dans un coma végétatif qui fait l’intérêt du récit, mais aussi, paradoxalement, comment sortir d’un coma émotif, d’une situation qui fait que dans ce pays, l’Italie, on se sent, pour beaucoup de raisons, comme anesthésiés.
ENTRETIEN AVEC ISABELLE HUPPERT
Comment avez-vous travaillé avec Marco Bellocchio ?
Cela a été une très belle expérience. Marco Bellocchio est vraiment un homme d’une très grande sensibilité et je crois que la marque des grands réalisateurs réside justement dans la recherche du détail, de la précision, de la rigueur, des cadrages… Quand je travaille sur un film, je m’intéresse toujours au rapport qui s’instaure avec le réalisateur : ce sont les réalisateurs qui créent l’histoire, qui donnent leur regard à l’histoire. Sans un regard subjectif et profondément personnel, il n’y a pas d’histoire, il n’y a pas de film qui se distingue des autres. Avec Marco Bellocchio, j’ai eu la confirmation de tout cela et pour moi, cela a vraiment été une expérience fantastique !
Votre personnage, la Divina Madre, est une femme qui décide de tout quitter…
Oui, pour se consacrer à sa fille. Déjà, à la lecture du scénario, il m’a semblé que le fait qu’elle s’appelle la Divina Madre rendait le personnage surnaturel, et je crois que des trois histoires racontées dans le film, celle de la Divina Madre, de sa fille et de sa famille est la plus symbolique, la moins réaliste.
Un symbolisme déjà explicite dans le nom, qui lui donne une grande spiritualité et un aspect presque désincarné. C’est véritablement vers une sorte de « désincarnation » qu’elle tente de se projeter comme si, en renonçant à toutes les séductions terrestres et à tous les plaisirs de sa vie précédente – elle qui était une actrice célèbre – elle cherchait son absolution dans une éventuelle faute… dans le fol espoir de sauver sa fille. C’est une attitude envers la mort qu’on peut avoir parfois : on peut penser qu’il va nous arriver un malheur parce qu’on est coupable de quelque chose et chercher l’absolution pour le combattre.
Que pensez-vous de votre personnage et de son choix ?
J’imagine cette femme comme une personne qui peut sembler apparemment dure, enfermée à jamais dans sa douleur et dans sa tristesse. C’est un état qu’on atteint quand on est blessé à mort : on atteint une forme de dureté, d’insensibilité, c’est ce qui arrive aux spectateurs. Car aujourd’hui, elle est devenue insensible à tout ce qui la lie aux personnes qui l’entourent : son mari et son fils. Elle se bat uniquement pour garder sa fille en vie et d’une certaine manière, elle meurt un peu plus chaque jour. C’est elle qui meurt pour faire revenir sa fille à la vie.
Y a-t-il un débat sur l’euthanasie en France ?
Il y a le même genre de débat qu’en Italie, une réflexion menée sur la possibilité de promouvoir une loi qui permette aux personnes de mettre fin à leur vie ou de permettre aux autres de mettre fin à notre vie. La situation est sans doute plus complexe et plus politique en Italie à cause de la présence du Vatican et de son influence. Les différentes forces politiques italiennes ont également des visions beaucoup plus antagonistes qu’en France. Mais philosophiquement et religieusement, le problème se pose d’une manière identique dans les deux pays.
Quelle relation s’est instaurée entre vous et les autres acteurs ?
En fait, j’avais déjà joué avec le père de Brenno, Michele Placido, dans un film de Benoît Jacquot adapté du roman d’Henry James, LES AILES DE LA COLOMBE. J’ai été heureuse de retrouver son fils Brenno et je crois qu’avec lui et Gianmarco Tognazzi, nous formons une famille assez crédible et triste, à la fois soudée et détruite par cette douleur, avec cette magnifique « Belle au bois dormant » qui gît au milieu de nous comme un personnage de fable, comme l’incarnation de la beauté éternelle.