Communiqué du GNCR – Farces et attrapes

Pour la réouverture des salles

Le Conseil d’État a rendu son ordonnance et a rejeté nos requêtes : les cinémas et les théâtres resteront portes closes pour l’instant. Dont acte.
Le GNCR s’était associé à la FNCF, avec d’autres organisations, pour déposer ce référé liberté, mais, comme eux, ne se faisait pas trop d’illusion sur une décision favorable à la réouverture. Car nous ne minimisons pas l’importance du contexte sanitaire général, qui semble se dégrader à nouveau. L’enjeu n’était d’ailleurs pas de rouvrir immédiatement, dans la précipitation, alors que nous avons besoin d’un temps de concertation, avec le Gouvernement et entre partenaires du secteur pour reprendre une activité plus sereinement.
Ce que nous attendions, c’était la reconnaissance d’une injustice et la persistance d’une discrimination dans le traitement qui nous est fait : comment est-il possible que les magasins de farces et attrapes restent ouverts alors que les cinémas ne le sont pas ? Quel est le message envoyé aux Français quand les centres commerciaux sont bondés et les cinémas toujours fermés ?
Quelle est la place donnée à la culture alors que la démocratie bat de l’aile et que la santé mentale de nos concitoyens se dégrade à vue d’œil ? 
Lors de l’audience du 21 décembre, le représentant du Gouvernement avait reconnu que si les secteurs des loisirs et de la culture ne pouvaient pas rouvrir dans l’immédiat, c’est que le Gouvernement considérait qu’ils touchaient à des libertés moins « prioritaires » que les commerces ou les transports. Pour justifier cette position, il a notamment souligné le caractère « substituable » de la culture. Il faisait ainsi l’aveu implicite que la culture avait été sacrifiée au profit, notamment, des commerces dits « essentiels ».
Mercredi 23 décembre, s’il n’a pas donné droit à notre demande d’annulation de la décision de non réouverture des cinémas, théâtres et salles de spectacle, le juge des référés du Conseil d’État a repris à son compte l’ensemble des arguments qui avaient été portés devant lui par les requérants. Plus encore, il a reconnu que leur fermeture au public porte une atteinte grave aux libertés, notamment à la liberté d’expression, à la liberté de création artistique, à la liberté d’accès aux œuvres culturelles, mais aussi à la liberté d’entreprendre. Il indique également que le seul fait qu’une partie des activités concernées pourrait demeurer accessible au public à travers d’autres supports ou de manière dématérialisée ne saurait faire disparaître cette atteinte.
Nous ne pouvons que nous en réjouir, car l’aveu du Gouvernement et ce choix délibéré et assumé de sacrifier la culture traduisent des « options » de société durables et plus que contestables. 
Par ailleurs, pour justifier cette grave atteinte aux libertés, la haute juridiction a souligné que les protocoles sanitaires mis en place par nos établissements permettent de réduire le risque de transmission du virus. Pour le juge, seule une situation sanitaire particulièrement défavorable, susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des patients atteints d’autres affections, peut justifier le maintien d’une fermeture. C’est malheureusement, selon lui, le cas à ce jour, et pour les semaines qui viennent, du fait de la dégradation annoncée de la situation sanitaire que lui a présentée le Gouvernement lors de l’audience.
A contrario, alors que la situation n’était pas aussi dégradée début décembre, cela signifie, d’une part, que lorsque les commerces dits « non essentiels » ont rouvert, les cinémas, théâtres et salles de spectacle auraient dû rouvrir également ; d’autre part, que le maintien de leur ouverture aujourd’hui, outre qu’elle est discriminatoire, est manifestement constitutif d’une faute grave. Il faut donc s’attendre à un durcissement des restrictions dans les jours à venir. En nous appuyant sur cette ordonnance qui stipule clairement que la fermeture des lieux culturels« ne pourrait être maintenue au seul motif qu’il existe un risque », il faudra qu’aux côtés de la FNCF et des autres organisations professionnelles, nous soyons extrêmement vigilants pour qu’à l’avenir les cinémas rouvrent, dès lors que les conditions précisées par le juge seront réunies, et alors que les commerces dits « non essentiels » seraient ouverts. Et nous espérons sincèrement que le Gouvernement tirera tous les enseignements et les conséquences de cette décision. 
Parallèlement, si la fermeture de nos établissements devait se prolonger, il nous semble également important de continuer à exiger, avec nos autres partenaires, un assouplissement permettant la reprise des séances scolaires : les dispositifs d’éducation à l’image, essentiels dans la construction d’un regard critique sur les images pour des milliers d’enfants et d’adolescents, ne sauraient attendre des mois de plus. Si les autres sorties scolaires sont autorisées, notamment dans les piscines ou dans les gymnases, il est légitime que celles programmées dans nos salles le soient aussi, sans attendre la réouverture au public de nos établissements. D’autant que l’article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 visant à « limiter l’accueil du public dans les établissements de type L », pourrait permettre aisément cette dérogation.
Nous vous tiendrons régulièrement informés de l’ensemble de nos démarches et vous souhaitons, en dépit de la situation, de belles fêtes de fin d’année. 

Juliette Grimont & Gautier Labrusse
Co-Président.e.s